JULIEN

II

 

Chapitre 46


 

Réunion


 

Dans l'après-midi, lorsque Julien eut déclaré qu'il se sentait de nouveau apte à faire face à ses obligations, une réunion eut lieu afin de décider de la suite des événements. Subadar insista sur le fait que la perte d'Aïn, outre le chagrin profond qu'elle causait à tous, posait aussi un problème de sécurité :

- Tant que vous n'aurez pas retrouvé la pleine possession de votre Don, vous devez être accompagné en permanence d'un Passeur. Et je suggère que vous repreniez un entraînement intensif avec moi ainsi qu'avec un Maître Passeur. Le Cercle Majeur vous trouvera le meilleur professeur...

- Je veux Wenn Hyaï, s'il est d'accord.

- Mais il n'appartient pas...

- Je l'aime bien et Aïn avait de l'estime pour lui. S'il y a des choses qu'il ne peut pas m'apprendre, il me trouvera un professeur. Mais si je dois vivre avec un Passeur à mes côtés, je préfère que ce soit un ami. Bien sûr, c'est aussi un métier dangereux, la preuve, mais ça m'étonnerait que ça le décourage.

- D'accord. J'arrangerai la chose avec les Passeurs. Ils vont devoir le promouvoir à un rang bien supérieur, mais il faudra bien qu'ils s'en accommodent.

- Je suggère aussi, intervint Tannder, que nous en revenions aux dispositions que nous avions prises lors du conflit avec les Dalannis aussitôt que l'état de Xarax le permettra. Parce que je suppose que vous ne consentirez pas à vous éloigner de lui tant qu'il ne sera pas rétabli...

- Effectivement. Et même alors, je doute que lui, accepte de s'éloigner de moi.

- C'est probable. Dennkar et moi-même, poursuivit le Guerrier, supervisons le sondage de l'équipage du Trankenn de Sire Tahlil ainsi que de ses passagers. On sonde aussi de nouveau les transfuges Dalannis dans l'espoir de récolter des renseignements qui auraient pu nous échapper.

- Je ne peux pas dire que ça m'enchante, mais vous savez sans doute ce que vous faites.

- Oui, et nous avons déjà quelques soupçons.

- Bien. S'il n'y a rien d'autre, je pense que je vais aller faire un somme. Faites-moi réveiller pour le dîner, s'il vous plaît.


 

oo0oo


 

Le dîner, qui se tenait dans le clos de la Tour des Bakhtars, réunissait le petit cercle des ''garçons'', ainsi qu'on avait de plus en plus tendance à désigner les proches de Julien. Dillik était présent, Xarax ayant insisté, dans un de ses moments de lucidité, pour qu'il le laisse à la garde vigilante du personnel de la Maison de Santé et profite d'un moment de détente. L'ambiance n'était bien sûr pas à la franche gaîté - la mort d'Aïn était beaucoup trop présente à l'esprit de tous - mais le bonheur d'être ensemble réchauffait le cœur de chacun. Julien eut ainsi pour la première fois l'occasion de leur raconter en détail ses mésaventures terriennes.

- Tu as une idée de pourquoi tu as sauté à cet endroit ? demanda Niil.

- Pas vraiment. Tout ce que je sais, c'est que je suis bien content d'en être parti ! Je préfère encore affronter la tempête sur Dvârinn.

- Pourtant, dit Ambar, les garçons étaient plutôt gentils, quand on y était ensemble.

- Oui, à part que moi, contrairement à quelqu'un que je ne nommerai pas, je n'avais personne à séduire.

- Je ne l'ai pas ''séduit'', comme tu dis. Ça n'est tout-de-même pas ma faute si mon laï était trop court. Et je suis sûr que si tu y avais mis un peu du tien, ces types dont tu nous as parlé, dans la maison, quand tu t'es réveillé, ils t'auraient offert l'hospitalité.

- Et qu'est-ce que tu entends par ''y mettre un peu du mien'' ? Faire la danse du ventre, tout nu, debout sur une table ?

- Ça dépend. C'est quoi, la danse du ventre ?

- Je ne te le dirai pas, tu deviendrais beaucoup trop dangereux.

- Hmmm... je crois que je peux imaginer.

- Ça, personne n'en doute !

- Au moins, tu reconnais mes qualités. Non, mais, sans rire, tu crois qu'ils auraient refusé de t'aider ? Tu n'avais rien fait de mal, après tout. A part prendre un peu de nourriture. Enfin, si on peu dire que ce truc infect est de la nourriture.

- Ce n'est pas ce que j'avais fait qui les aurait dérangés. C'est mon abba, et mes Marques.

- Évidemment... Quoique, un abba, ça s'enlève.

- Oui, j'avais compris.

- Et tes Marques aussi. Non ?

- En temps normal, oui. Mais en ce moment, je n'y arrive pas.

- Ah ! Bon... Quand même, les garçons, l'autre jour, ils avaient plutôt l'air de les trouver belles, mes Marques à moi. Peut-être que ces types...

- Crois-moi, en France, c'est mal vu de se mettre tout nu devant des inconnus. A part, peut-être, devant une patrouille de scouts. Et encore, on a eu de la chance.

- En tout cas, Grégoire, il a pas eu l'air de trouver ça choquant. Les autres non plus, d'ailleurs.

- C'est bien ce que je dis, on a eu de la chance. Si tu étais tombé sur d'autres garçons que je connais, ils n'auraient sans doute pas apprécié ton manège...

- Hé ! C'est lui qui m'a suivi, quand même ! Moi, je me suis contenté de faire signe, j'ai été correct.

- Tu es la dernière personne que j'accuserais d'incorrection. Je n'oserais même pas insinuer que tu pourrais adopter, comme ça, sans y prendre garde, une attitude légèrement provocante.

Karik savait que ce genre d'échange pouvait se prolonger, aussi intervint-il :

- Il y a tout-de-même quelque chose que je ne comprends pas bien. Ils ne connaissent pas l'hospitalité, sur ce monde ?

- Si, mais tout le monde ne l'applique pas de la même manière. Et puis, même si ça me coûte, je dois avouer que les gens de mon pays ne sont pas considérés comme très hospitaliers. De toute façon, si Dillik et Wenn Hyaï n'étaient pas venus me chercher, il aurait bien fallu que j'essaie quand même. Encore merci, Dillik.

- C'est Wenn Hyaï qui a fait tout le travail, tu sais. Et sans Xarax...

- Bien sûr... Bon, demain, on va avoir droit à un nouvel emploi du temps. J'ai l'impression que les vacances sont vraiment finies. Je propose qu'on aille se mettre au lit. Dillik.

- Oui ?

- Tu veux rester dormir avec nous ?

- Non, merci. Je vais retourner avec Xarax.

- Bien. Mais dès demain, on le fera installer ici. Comme ça, on pourra rester ensemble.

- Je sais pas si les Maîtres de Santé seront d'accord.

- Le seul qui doit être d'accord, c'est Xarax. Tu lui demanderas la prochaine fois qu'il se réveillera.

Le visage de Dillik s'éclaira.

- Je crois que ça va lui plaire.

- J'en suis certain.


 

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Chapitre 47


 

Honneur


 

C'est peu dire que les Maîtres de Santé ne voyaient pas d'un très bon œil le transfert de Xarax dans le clos privé de Sa Seigneurie. Les médecin de tout poil ont en général fortement tendance à se croire propriétaires de leurs patients. Mais Sa Seigneurie, qui semblait avoir retrouvé en grande partie sa vigueur, fit clairement comprendre, sans toutefois se départir d'une exquise urbanité, qu'il n'était pas question d'épargner la susceptibilité chatouilleuse de qui que ce fût dès lors qu'elle prétendrait faire obstacle au confort physique ou moral de son Haptir. Autrement dit, si Xarax voulait s'installer dans son clos, on l'y installerait et l'intendance devrait suivre.

D'autant que la gêne, en vérité, n'était pas grande. L'étage entier de la Tour des Bakhtars réservé à Julien et à son état-major n'avait aucune difficulté à accueillir les quelques assistants de Santé chargé de surveiller périodiquement l'état de Xarax et de lui prodiguer les quelques soins indispensables. Mieux, lesdits assistants se montrèrent plutôt heureux d'échapper pour un temps à l'oppressante supervision des huiles de leur Guilde et n'hésitèrent pas, lorsqu'on les y eut encouragés, à sourire ouvertement voire même - comble d'audace - à rire franchement à l'occasion.


 

Wenn Hyaï, son poil vert sombre semé d'argent impeccablement lustré, vint officiellement prendre ses nouvelles fonctions auprès de Julien. Là encore, il avait fallu bousculer la hiérarchie mais Subadar, chargé de négocier la chose, avait rencontré une résistance moindre que celle qu'il avait attendue. Sans doute la fin de carrière abrupte du malheureux Aïn, Passeur et Instructeur Personnel de l'Empereur, était-elle pour quelque chose dans la modération de ses remplaçants putatifs. Wenn Hyaï, cependant, n'avait pas de ces réticences et, s'il était conscient de l'honneur qui lui était fait, il était surtout heureux de continuer à servir un garçon qu'il avait appris à apprécier et de partager la compagnie de ceux qui l'entouraient. Il se moquait des honneurs et il lui importait peu d'avoir été promu au sein du cercle le plus intérieur de la Guilde des Passeurs, mais il se sentit étrangement ému lorsqu'il remit à Julien un de ses klirks personnels afin qu'il le porte toujours sur lui et que celui-ci le fixa au même cordon auquel se trouvait encore accroché le klirk d'Aïn.

- Wenn Hyaï, je vous remercie d'avoir accepté cette charge malgré les risques. Mais j'ai un service personnel à vous demander.

- Je vous en prie.

- Voila, je voudrais rendre hommage à Aïn. C'était vraiment mon ami, vous savez.

- Je sais, Sire, c'était aussi le mien.

- Je ne sais pas ce qu'on fait chez vous dans un cas comme celui-ci.

- Son corps a déjà été mis en terre, et un banquet a été donné. Si vous voulez honorer sa famille, il vous est possible de donner votre nom à l'un de ses enfants.

- Est-ce que c'est vraiment un honneur ?

- C'est beaucoup plus qu'un simple geste honorifique. Celui qui serait ainsi choisi appartiendrait à votre famille tout en demeurant dans la sienne et ce lien s'étendrait d'une certaine façon à tous les membres de son clan. Je peux vous assurer que rien ne pourrait mieux prouver votre estime et votre amitié.

- Écoutez, je comprends ce que vous voulez dire, mais... comment dire ? C'est un peu facile, non ? Je voudrais vraiment faire quelque chose, pas seulement dire « regardez comme je suis généreux, je vous fais cadeau de Mon Nom et vous seriez vraiment ingrats de ne pas déborder de reconnaissance ».

- Oh ! Mais quand je disais que c'est beaucoup plus qu'un simple geste honorifique, c'est que c'est vraiment beaucoup plus que cela. Normalement, il y a des obligations qui s'y attachent. Bien-sûr, vu les circonstances et votre position, personne ne s'attendra à ce que vous vous y pliiez, le geste suffirait amplement. Mais si vous le voulez, vous pouvez demander à faire votre devoir.

- Et ça implique quoi, exactement ?

- Veiller à ce que celui qui porte votre nom reçoive la meilleure éducation, s'il est encore en âge d'être éduqué. Vous devriez aussi l'initier à certains aspects de son Art, s'il devient vraiment un Passeur ; pratiquer l'Ouverture du Don, c'est une chose dont l'Empereur peut parfaitement s'acquitter ; assister aux célébrations familiales lorsque cela vous est possible... Aider son clan s'il en a besoin ; remplacer l'un de ses membres dans ses fonctions de Passeur si cela est nécessaire et verser à sa famille la quote-part des émoluments qui lui revient. Il y a encore bien d'autres choses, mais on y a rarement recours.

- Je vois. Et on ne sera pas fâché si je ne peux faire qu'une partie de tout ça ? Du moins, pour l'instant.

- Comme je vous l'ai dit, personne ne s'attendra à ce que vous fassiez quoi que ce soit. Mais ce que vous parviendrez à faire sera une marque supplémentaire de l'estime que vous portiez à Aïn.

- Et je peux choisir celui qui portera mon nom ?

- Naturellement. C'est votre privilège.

- Bien. Je suppose qu'il faut que quelqu'un arrange ce genre d'affaire avec la famille. Est-ce que vous pouvez vous en charger pour moi ?

- Avec plaisir, Sire.

- Julien. Appelez-moi Julien. Nous allons devenir vraiment intimes et, en plus, vous allez être mon professeur.

- Bien. Je crois que vous avez déjà eu l'occasion de rencontrer la famille d'Aïn. Avez-vous une idée de qui vous allez choisir ou préférez-vous attendre de les rencontrer de nouveau ?

- J'ai fait la connaissance d'un jeune garnement qui doit avoir dans les cinq cycles. Je crois qu'il s'appelle Lalil, ou quelque chose comme ça.

- Yalil, sans doute.

- C'est ça. J'ai eu l'imprudence de lui gratter la tête.

- Je vois.

- Il ne savait pas qui j'étais. Il a quand même eu une émotion lorsque je lui ai dit être un ami de son père et non un simple domestique. Mais nous nous sommes quittés en bons termes. S'il n'est pas trop jeune pour ça, j'aimerais que ce soit lui. Si sa famille est d'accord, bien-sûr.

- Je transmettrai votre souhait à la famille dès que vous le voudrez.

- Le plus tôt sera le mieux. A la vitesse où vont les choses, je ne sais pas combien de temps je pourrai encore être à peu près tranquille. Organisez ça comme ça vous paraîtra le mieux, s'il vous plaît.


 

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Dillik avait meilleure mine et Xarax était réveillé. L'assistant médical informa Julien que ses blessures paraissaient avoir décidé de se réparer. Lorsqu'il eut terminé son rapport, Dillik s'avança et Julien le serra contre lui.

- Va prendre un bain, je vais tenir compagnie à Xarax.

Il s'approcha de la boîte du haptir et saisit sa patte.

- Xarax, je suis heureux de te voir réveillé. Il paraît que tu as décidé de survivre ?

- Je crois que je vais faire l'effort, bien que je ne sache pas si ça en vaut la peine.

- Ne dis pas ça.

- Je ne pourrai plus jamais voler.

- J'ai promis à Dillik qu'on te réparerait et j'ai bien l'intention de tout faire pour tenir ma promesse.

- Et comment est-ce que tu comptes t'y prendre ?

- Je vais tout simplement mettre les meilleurs spécialistes de l'Empire à ton service jusqu'à ce qu'ils te rendent tes ailes.

- Ça ne suffira peut-être pas.

- Non. Il faut aussi que tu aies envie de vivre. C'est pourquoi je veux aussi ta parole que tu essaieras de toutes tes forces.

- Tu as ma parole. De toute façon, après tout le mal que s'est donné Dillik, je ne voudrais pas lui faire encore de la peine.

- Est-ce que tu souffres beaucoup ?

- Non, pas trop. La plupart des potions des Maîtres de Santé sont fabriquées à partir de plantes qui viennent de ma planète d'origine, après tout, et elles sont efficaces sur moi. Reviens me voir quand tu en auras le...

Xarax s'était endormi.


 

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Tannder introduisit un homme aux cheveux blond-roux qui paraissait avoir une cinquantaine d'années.

- Maître Mirkham, Sire. L'actuel Grand Maître de la Guilde des Arts mécaniques.

- Honorable Maître, nous allons devoir bientôt résoudre un problème de mécanique de précision et on m'a dit que vous étiez le meilleur des Neuf Mondes.

- On exagère sans doute beaucoup, Votre Seigneurie. Puis-je savoir de quoi il retourne ?

- Bien-sûr. Avez-vous déjà vu un haptir ?

- J'en ai vu des représentations, mais je n'en ai heureusement jamais rencontré en chair et en os.

- Vous savez, ils ne sont pas tous aussi terribles qu'on voudrait nous le faire croire. J'en connais au moins un qui est très fréquentable.

- Si Votre Seigneurie l'affirme, je la crois volontiers.

- Avez-vous entendu parler du Haptir de l'Empereur ?

- Heu... Ce n'est pas une légende ?

- Je sais qu'il ne faut pas croire tout ce que les gens racontent, mais le Haptir de l'Empereur existe vraiment et j'aimerais que vous acceptiez de le rencontrer.

- Bien, Votre Seigneurie.

- Ne faites pas cette tête, il ne vous fera aucun mal. Mis à part le fait que c'est quelqu'un de tout-à-fait raisonnable et bien élevé, il est actuellement plutôt mal en point. En fait, je voudrais que vous nous aidiez à reconstruire ses ailes.

Une étincelle parut soudain s'allumer dans l’œil de l'homme.

- Vous voul... Votre Seigneurie veut dire que je pourrais étudier de près le système propulsif d'un haptir ?!

- C'est ça. Voyez-vous, il se trouve que quelqu'un lui a tiré dessus avec une arme interdite et suffisamment puissante pour tuer n'importe qui d'un peu moins résistant que lui. Les dégâts sont importants. Les Maîtres de Santé font ce qu'ils peuvent, mais ils ne peuvent pas remplacer les parties manquantes du squelette. Ils disent que si vous reconstituez les os, ils pourront y rattacher des muscles. Ils suggèrent une armature de titane recouverte de corail.

- En effet, c'est ce qu'on utilise en général pour les prothèses humaines. Mais cela n'a certainement jamais été tenté sur un haptir. Sans pièces standard, il faudra partir de rien. En plus, il faudra réaliser des articulations et c'est plutôt difficile. Cela risque d'être extrêmement coûteux. Un petit trankenn de plaisance reviendrait certainement moins cher.

- Je n'ai pas besoin d'un trankenn de plaisance. Mais j'ai besoin de mon ami le haptir. Venez-vous avec moi ?

- Oui, Votre Seigneurie.


 

Xarax, de nouveau, était réveillé, et ses yeux rouges fixaient l'homme qui s'approchait.

- Xarax, dit Julien, l'Honorable Maître Mirkham va devoir examiner tes ailes pour déterminer la façon dont il va s'y prendre pour les réparer.

Dillik, qui tenait la patte de son ami, répondit pour lui :

- L'honorable Haptir de l'Empereur vous salue, Maître Mirkham, il vous prie de vous livrer aux examens qui vous sont nécessaires et vous remercie par avance de vos efforts pour le remettre en fonction.

- Merci, je m'efforcerai de faire vite et de causer le moins de gêne possible.

Maître Mirkham ne s'était peut-être pas gagné l'immédiate sympathie de Julien, quelque chose dans le personnage lui déplaisait instinctivement, mais il fallait reconnaître qu'il était certainement excellent dans son domaine. Il ne lui fallut que quelques minutes pour faire un dessin détaillé et coté des ailes de Xarax et évaluer les dégâts d'un point de vue purement mécanique. Il livra aussi ses premières conclusions :

- Les techniques classiques utilisées pour les prothèses humaines ne sont pas adaptées. Le squelette humain est beaucoup plus rigide que celui d'un haptir. D'après ce que j'ai vu, il a besoin d'une certaine souplesse dans les nervures de ses ailes. Sans doute pour adapter leur profil aux différentes allures de vol. Certains alliages de titane pourraient sans doute convenir, mais il est exclus d'utiliser un revêtement organique à base de corail. Si le coût n'est vraiment pas un problème pour Votre Seigneurie, je suggère de réunir dès aujourd'hui une équipe de chercheur métallurgistes et biologistes afin d'élaborer les matériaux de base nécessaires. Il se peut aussi que certaines des ressources dont nous aurons besoin ne se trouvent que dans les réserves du Palais Impérial.

- Si c'est le cas, il vous faudra en discuter avec Maître Subadar ou l'Honorable Tannder. Je suis sûr qu'ils vous donneront tout ce dont vous pourrez avoir besoin.

Tannder, qui avait suivi toute la scène avec la plus grande attention, acquiesça de la tête.

- Je suppose aussi que Votre Seigneurie désire que ce projet ait la priorité sur tous mes autres travaux en cours.

- Je sais que l'Honorable Xarax est impatient de servir de nouveau l'Empire.

- Les frais entraînés par les délais occasionnés à mes autres travaux...

- Maître Mirkham, vous discuterez de vos honoraires avec l'Honorable Maître Tannder. Je vous assure que tous vos frais seront pris en compte. Je vous rappelle cependant que l'Empereur ne possède rien en propre et que ses dépenses sont couvertes, en fait, par l'ensemble des populations des Neuf Mondes. Je suis décidé à ce que tout soit fait pour redonner à un Serviteur de l'Empire les instruments nécessaires à l'accomplissement de son devoir, mais c'est le devoir de l'Honorable Maître Tannder de s'assurer que l'argent de la Cassette Impériale n'est pas gaspillé en vain. Est-ce que je me fais bien comprendre ?

L'air choqué du personnage était une réponse suffisante, mais il se força quand même à murmurer:

- Oui, Votre Seigneurie.

Il n'était pas le premier a avoir pris la politesse de Julien pour de la faiblesse et ses manières douces pour un manque d'assurance. Mais Julien n'avait pas l'intention de s'en laisser imposer par qui que ce soit. Ce n'était pas tant le goût évident de l'argent qui lui déplaisait dans le personnage, que la façon secrètement condescendante avec laquelle, en homme habitué à exercer un pouvoir presque absolu sur ses subordonnés, il avait essayé de le traiter. Si Julien était prêt à accorder à chacun toute la considération due à un égal, il refusait absolument qu'on le prenne de haut. Cependant, dans l'intérêt même de Xarax, il lui fallait se concilier Mirkham et adoucir un peu la rebuffade.

- Je suis certain que vous parviendrez à accomplir le chef-d’œuvre que nous attendons, Maître Mirkham. Et vous aurez alors toute ma reconnaissance, croyez-moi.


 

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